La sexualité (1)

22/6/2013. Atelier : sexualité.

 

Avant-propos rédigé et lue par la psychologue animant ce nouveau cycle d’atelier.

L’objectif de cet atelier de réflexion, c’est de permettre de penser, examiner et réfléchir autour de certains thèmes liés de façon plus ou moins évidente à l’inceste. La question de l’inceste est plurielle, vaste et engage des lieux multiples et complexes. Les savoirs sur l’inceste et sur l’interdit de l’inceste, concernent tant les dimensions psychologiques que médicales, anthropologiques, sociales, politiques et juridiques. La dimension affective et personnelle, celle de la personne l’ayant vécu concrètement, nécessite et exige d’être prise en compte à l’égard des pensées et des praxis concernées.

A la différence de groupes de parole, dispositif qui permet aux personnes de rompre l’isolement, de se confier sans peur du jugement, d’échanger, de voir comment d’autres personnes ont surmonté certaines périodes difficiles de leurs vies et de mettre en mots ses propres pensées et souffrances personnelles, le but des ateliers est de :

– d’essayer de dépasser la temporalité adhésive propre aux traumatismes et de permettre aux personnes d’aborder après coup leur vécu et leur expérience, de façon à approcher les événements passés en vue de leur attribuer un sens. La question du sens que prend l’inceste subi pour la personne se veut centrale tout au long des ateliers de réflexion.

– de séparer l’expérience directe, non symbolique (le vécu immédiat) et l’expérience médiate, réfléchie, symbolique (ou connaissance du sensible) sans réduire l’expérience immédiate à l’expérience réfléchie construite (rationalisme).

– d’écouter le récit des personnes dans ce qu’il reconstruit de l’évolution et de la manière dont elles pensent et se représentent les multiples aspects ici abordés.

– recueillir un discours spontané, orienté toutefois par les relances du modérateur/psychologue ayant défini préalablement et élaboré avec les membres de l’association AREVI les thématiques principales à aborder. Les questions posées et les récits obtenus « co-construisent » l’espace de l’atelier. Les relances visent à faire expliciter un contenu émotionnel ou les liens logiques entre les différents éléments du discours de la personne.

L’ensemble des récits recueillis pendant cet atelier sera enregistré et retranscrit en vue de la publication sur le site AREVI et afin de réaliser des synthèses thématiques pouvant être publiées par la suite.

Mots-clés : récit, réflexion, après-coup, temporalité, recherche, traumatisme, inceste

Lecture par la psychologue du préambule de l’atelier élaboré par l’équipe d’Arevi pour la série d’ateliers de 2008 à 2011.

A qui s’adresse les ateliers thématiques ?
Les ateliers sont ouverts à toutes les femmes et les hommes ayant été victime d’inceste durant l’enfance, ainsi qu’à leurs proches, chacun des participants ayant le désir de parler de son propre vécu en rapport avec l’inceste, et d’y réfléchir pour mieux en comprendre les conséquences et la souffrance.

A quoi servent les ateliers thématiques ?
L’objectif des ateliers thématiques est d’amener les participants à témoigner et à  réfléchir en commun sur un thème défini à l’avance. Ils diffèrent des groupes de parole où le participant parle pour soi et peut rester centré sur soi-même et sur ses affects.
Les participants présents aux ateliers thématiques viennent pour parler de leur vécu aux autres. Leur témoignage est enregistré et retranscrit. Toutes les données personnelles de cette retranscription sont anonymisées, c’est-à-dire que les noms, les lieux et les dates sont changés.
Cette retranscription est ensuite mise en ligne sur le site internet d’AREVI. Chaque membre de l’atelier peut, s’il le souhaite, retrouver sa parole sur le site et a la possibilité d’avoir un nouveau regard sur son témoignage et sur celui des autres.
La mise en ligne permet aussi aux participants de témoigner de leur vécu à toute personne qui n’est pas de l’association et qui se connecte sur le site. Enfin la retranscription peut servir de support pour réaliser des travaux de recherche sur le thème de l’inceste.

L’organisation des ateliers thématiques
Les ateliers ont lieu chaque trimestre. Ils sont libres d’accès, anonymes et gratuits. Chaque atelier a un thème unique défini à l’avance et divisé en trois sous-thèmes. Pour financer les frais de structure et les boissons proposées, une cagnotte circule à la fin de la rencontre où chacun peut contribuer selon ses possibilités.

Le déroulement de l’atelier
Chacun des participants est invité par le modérateur à se présenter par le prénom ou le pseudo de son choix, puis à décrire brièvement dans quelle disposition il aborde cet atelier et son thème. A la fin du tour de table, le modérateur annonce le premier sous-thème. Chaque sous-thème dure 40 minutes. Une pause de 10 min sera effectuée à la fin du premier ou du second sous-thème en fonction de l’avis général des participants.

Le cadre de l’atelier
Il est essentiel de respecter les consignes qui suivent pour se rendre disponibles à l’écoute et pour permettre à chacun de donner libre cours à ses pensées. Eteindre son téléphone portable, éviter de manipuler sacs, cahiers ou autres objets une fois la rencontre commencée et éviter de parler en privé. Aucun conseil, jugement ou critique ne sont tolérés sur d‘autres témoignages et tout prosélytisme notamment spiritualiste ou politique est banni.

La parole dans l’atelier
Chacun des participants prend tour à tour librement la parole, après la fin du témoignage en cours et sans intervenir dans son déroulement. Il est important pour parler de son vécu de s’exprimer en employant le « Je » plutôt que le « on »

Les échanges dans l’atelier
Les participants peuvent demander à la personne qui vient de terminer son témoignage d’éclaircir son propos, s’ils n’ont pas compris ce que tentait d’exprimer cette personne ou de compléter son propos sur un point qu’elle n’a pas abordé. Dans les deux cas, celui qui témoigne est libre de compléter ou non son témoignage.

Le modérateur
Le modérateur commence par s’assurer que les participants ont bien compris l’objectif de cet atelier et son fonctionnement. Le modérateur est garant de la neutralité et du bon fonctionnement des échanges selon les règles qui viennent d’être énoncées. Le modérateur lance les sous-thèmes et veille à ce qu’ils ne durent pas plus de 40 min. Cinq minutes avant la fin du temps imparti, il annonce la fin du sous-thème en cours et invite ceux qui ne se sont pas exprimés à pouvoir le faire.
Le modérateur est garant du temps de parole de chacun des participants. Si un témoignage excède le temps correct, il invite le participant à poursuivre son propos dans un second temps pour que les autres membres de l’atelier aient le temps de parler.

La séance d’échanges entre participants présents le 21 juin 2013
La psychologue propose de commencer par le thème « les enjeux de la sexualité » parmi la liste des 7 propositions qu’elle a remise (enjeux identitaires, enjeux autour du droit, les relations de pouvoir, enjeux autour des liens symboliques, anthropologie et sociologie, enjeux médicaux) .
Elle distribue à chacun des 6 participants un papier. La consigne est d’écrire en un mot ce qui est éveillé en chacun sur la sexualité. Les papiers sont recueillis et déposés dans une «petite valise d’enfant de couleur rouge»
Puis la psychologue tire au sort un papier de la valise. Chacun va s’exprimer oralement à partir du mot inscrit.

La première partie de la séance n’a pas été enregistrée pour des raisons techniques. Voici un bref résumé.

Sexualité vécue comme échappatoire
– La rencontre sexuelle en étant drogué(e)
– L’addiction au sexe (notion de trop)
– Intellectualiser le rapport sexuel (pour échapper)
– La « non sexualité », le sentiment de solitude (grotte, ventre de la mère)
– Échapper au vrai lien à l’autre
– Le sexe utilisé pour échapper à d’autres problèmes ou soucis

Trancription de la seconde partie enregistrée après la pause.
Psy : comment on va faire en partant d’ici ? parce que ce travail, c’est très dense. Est-ce que cela  ne va pas éveiller des souffrances supplémentaires ? J’ai un devoir éthique de ne pas sur-traumatiser les personnes de l’atelier. Je voudrais savoir si vous serez accompagné (e) : par un psy, par des amis parce que nous sommes allés dans des réflexions profondes.
Nelly : Tu veux être sûre qu’on fait un travail avec un psy ? Notre problème au groupe de parole face à des personnes en grande détresse ; parfois on ne sait pas comment leur  répondre, comment réagir ? Il m’arrive de marcher un temps assez long pour évacuer… Ça me pose problème. Sinon, je suis suivie par un psy 2 fois par semaine, moi ça va !
Psy : L’atelier ayant pu réveiller des choses difficiles pour vous, il est important que vous puissiez en parler dans votre entourage, avec des amis et /ou  en thérapie. Ça éveille des choses difficiles… si  vous pouvez parler, je suis rassurée. Il arrive que le psy soi lui-même traumatisé
Mireille : le thème des  journées d’Avignon, en mai 2013, c’était  justement les émotions des soignants, thérapeutes. Je me souviens d’un exemple : en thérapie systémique, une étude de cas ;  en fait le thérapeute, comme par hasard vivait dans sa famille un scénario identique à ce que vit la personne qui vient se faire soigner. Par rapport au groupe de paroles, on fait les permanences à tour de rôle pour prendre de la distance, je rejoins ce que dit Nelly.
 Victorine : Un thérapeute doit être supervisé.
Psy : Question que j’aimerais aborder dans un autre atelier. Quelqu’un qui n’a pas subi l’inceste peut-il comprendre? Les difficultés de  vie chez l’humain ne se retrouvent-elles pas chez tout le monde ? Important : qu’est-ce qui faut être confronté à une problématique humaine. On a tendance à mettre tout sur le dos d l’inceste.

 Plaisirs multiples
Serge : on est guéri, on n’est plus dans la  problématique
Victorine : proche du sado maso, éventail de sexualité, souffrance, plaisir, il y a plusieurs façons d’approcher la sexualité. Trop de plaisir, sans dépendance. Plaisir libéré avec un grand P (p majuscule) pas de contraintes, plaisir pour faire plaisir à l’autre… ça paraît confus !
psy : on est là pour sortir de la confusion : le vide et le trop.
Serge : il y a aussi le fantasme, je me considère asexuel, il y a une forme de déviance plus cérébrale. Le fantasme n’est pas toujours un plaisir. Le fantasme est une protection contre l’angoisse, un soulagement par rapport à une angoisse, déviance de la sexualité normale vers quelque chose d’autre empreinte, prisonnier du fantasme.  ;
Psy : Qu’est-ce qui l’a créé ?;
Serge : des circonstances pendant l’adolescence. Loin des fantasmes des films pornos ; le fantasme est une empreinte du traumatique.
Psy : ce souvenir est dans l’après coup ?
Serge : Difficile à symboliser, il manque un événement, dans le contexte qui m’a étouffé, qui continue toujours. Le fantasme n’est pas toujours un plaisir. Il correspond, je crois à ce que je redoute dans le réel. Je n’assume pas mes fantasmes ; je ne me sens pas dans la démarche de libération ; honte de ne pas dire ; protection ; vivre ça seul plutôt que de me confronter à l’autre ; sorte de scénario coincé où l’autre va attendre que je renonce à moi-même ; confort qui me coupe de l’autre, ça m’empêche d’être dans une relation normale.
Psy : phase de Dolto, même s’il n’y a pas de passage à l’acte physique. Le père coupe la fusion entre la mère et le bébé. La coupure permet : comme ce plaisir me comble ! plaisir autoérotique bébé et sa mère ; fantasme encore dans un niveau auto-érotique et pas encore de fantasme oedipien. Père, mère, moi. Dans ce que tu dis, je vois beaucoup d’autoérotisme. On échappe à l’autre, Ce qui est dommage, avec les enfants, c’est important que l’enfant aime la mère, le père, c’est structurant. L’inceste empêche d’approcher du fantasme. Vers la fin : la loi.  Pourquoi, il y a la loi qui interdit l’inceste, parce que le désir est là, charnel, chaud, plaisir, constitutif pour un être humain, il ne faut pas que le fantasme se réalise. Sinon tous les
Nelly : dans j’ai été abusé par mon père, j’étais persuadée que j’étais enceinte de mon père, ce père est tout le temps en moi, il m’envahit tout le temps. Il ne peut y avoir que du plaisir autoérotique. Ma peur, je priais pour ne pas être enceinte de mon père ; or je n’ai pas de souvenir de viol, mon père n’était pas violent, dans ma tête, je pensais. Après comment faire de la place pour d’autres fantasme, les pulsions me frappaient, je recevais des coups de ses pulsions avec un fantasme de maternité par-dessus.
Psy : On va retrouver dans les enjeux identitaires : la petite fille grandit en bonne santé, jusqu’à une rupture. Le fantasme est normal, le passage à l’acte tous les autres fantasmes. Nelly : Tout est plein ; quand j’ai été enceinte, ma fille n’a pas pu tourner ; arrêt dans mon développement corporel ? Les médecins ont dit : vos hanches ne sont pas assez développées, il faudra faire une césarienne. j’ai été formée très tôt à 11 ans, j’étais réglée, je porte des vêtements d’un gamine de 12- 13 ans. Ce fantasme est apparu il y a peu. Je n’avais pas de souvenirs de sperme, de pénétration, le fantasme s’est réalisé.
Psy : Tu n’es pas devenue une femme et tu es restée petite fille.
Nelly : Je suis restée entre deux.
Psy : Identité psychique écart d’âge, je me pose la question, des femmes agressées par des frères, de 2 ou 3 ans de plus, je n’ai pas pu voir s’il y a des différences, les conséquences sont les mêmes. On dit s’il n’y a pas…   on parle de jeux d’enfants.
Nelly : La question, c’est pas seulement l’écart d’âge, la famille violente investit la victime désignée, par ex, De Villiers : l’abus du frère de son frère, lui-même violent dominé par son père.
….
Mireille : Pas seulement la sexualité, plaisirs de la vie. Pourquoi on met la sexualité à part ? Ce qui ne va pas, on est un être unique entier, les plaisirs sont partout. Culturel, notre problème. J’ai l’impression de n’avoir jamais eu de fantasme, le travail que je fais est d’arriver à intégrer ma sexualité dans ma vie, je suis une femme. La difficulté, c’est de l’accepter, de l’intégrer pour la vivre au mieux ; je le fais. Avant je ne pensais pas aux addictions de tout ordre, je m’interdisais tout, je n’ai pas de fantasme, je dis que je n’en ai pas parce que je m’interdis d’en avoir.

Psy : Encore des polarités, des contrastes : soit « pas de fantasme » soit « tous les fantasmes sont permis » ! Le travail à faire c’est trouver son vrai désir à soi dans tout ça, comment se retrouver soi-même dans tout ça. Se retrouver dans ces notions de fantasme confisqué ou d’un trop où tout est permis. Réfléchir sur cette problématique.

Psy : Il reste trois mots à discuter à propos de la sexualité : Errance (le sexe vécu comme errance) ; l’équilibre de la personne et l’épanouissement de la sexualité ; Coupure.
Ce pourrait être lors d’un 2ème atelier et on continue sur la sexualité ?  On arrête l’enregistrement.

Bilan de la psychologue : Plusieurs polarités sont apparues dans les récits :
– La notion de vide par opposition à la notion de trop. (Rien par opposition à toujours plus).
L’excès d’ouverture (mise en danger de soi-même) par opposition à un enfermement extrême (replis sur soi, peur de l’autre)
L’idée de liberté par opposition à la contrainte.

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