Congrès Paroles d’enfants – 14 et 15/11/2016

CONGRES PAROLES ‘ENFANTS  14 et 15  novembre 2016. Paris

 

Les rendez vous manqués avec les souffrances muettes des enfants

 

Intervenants 14 novembre : : Boris CYRULNIK, Stephano CIRILLO, Xavier POMMEREAU, Claude SERON

 

 

Boris Cyrulnyk. Des mots pour voir. Le récit pré-verbal

 

Pour ne pas passer à côté des souffrances des enfants qui ne peuvent pas parler, Boris Cyrulnik

préconise de porter notre attention sur le récit pré-verbal, l’alentour, l’énonciation du langage.

 

Le socle des émotions les plus profondes se situe au centre du cerveau, c’est le socle neurologique de la régulation des émotions, émotions qui se régulent justement grâce au langage.

 

En Roumanie, sous Ceucescu, les enfants sauvages des orphelinats, auxquels on ne parlait jamais étaient auto-centrés et s’auto-agressaient. Considérés comme sauvages, on ne communiquait pas du tout avec ces enfants, aucune communication pré-verbale, affectueuse, langagière ou par mimiques ne leur était adressée.

 

L’altération frontale se fait très rapidement, en quelques semaines l’enfant se replie sur lui même, mais la résilience neuronale par une thérapie est possible et aussi rapide que l’altération.

 

L’image parlée, remaniée : En cas d’images ou de faits traumatiques à révéler, l’intervention d’un(e) thérapeute, la parole de ce dernier(e) doit être sécurisante avant tout, sinon l’enfant refusera de parler ou se protègera par le mensonge, car l’image sans parole dont se souvient l’enfant est une image horrible ; une image évoquée sans un socle de paroles dites au moment où les faits ont eu lieu a de grandes chances d’être une image négative voire traumatique.

 

A l’inverse, une image évoquée, apparue dans un bain de paroles restera belle en mémoire et laissera des souvenirs plus positifs que leur réalité.

 

Dans la solitude et sans parole, on se désocialise, on arrête tout développement ; il est nécessaire pour se développer d’avoir une base de sécurité à l’extérieur de soi-même. C’est donc dans l’élaboration psychique, dans le travail de remaniement du traumatisme que je peux vivre (revivre), créer, être libre.

 

Les récits alentours : La reconstruction passe aussi par la manière dont on parle de ce qui m’est arrivé. Toute la famille de George Perec disparaît sans violence et sans parole lorsqu’il a environ 6 ou 8 ans (écriture du texte : la disparition). La seule façon qu’a Pérec de nous faire parvenir un peu de sa souffrance, de nous faire accéder par la parole a ce qu’il vit, c’est de priver son texte de la lettre E (un récit sans « eux »). C’est ici par la forme artistique que quelque chose de la vérité peut se dire, car la description ordinaire est impossible. Pérec nous dit « je ne peux vous dire que ce que vous êtes capables de comprendre », c’est à dire qu’il reste la part cachée, l’indicible inaccessible à autrui ; dans son roman, l’indicible est dit par l’absence de la lettre E. (sans eux)

 

La littérature de Victor Hugo marque une rupture dans la vision des enfants. Cosette a une âme, si on s’en occupe, elle se développera. Par l’écriture, Victor Hugo nous fait accéder à l’indicible de la souffrance enfantine. L’écriture est une sur-parole.

 

 

Passer par l’art pour dire la vérité, pour exprimer la révélation, c’est toujours passer par un tiers. Les récits familiaux livrés par des parents clivés, donnent des récits faux et créent des enfants ambivalents à 80% alors que dans une famille ordinaire, seulement 15% des enfants le sont.

 

Conclusion : « parler à condition de se sentir en confiance » « je ne peux dire que ce que vous êtes capable de comprendre »

 

 

 

Stéphano Cirillo :

l’enfance traumatique des adultes avec des troubles de personnalité

 

Il pose la question : comment la trajectoire familiale façonne t elle la personnalité de l’adulte ?

 

L’enfance traumatique des parents ayant des troubles de la personnalité cherche dans leur enfant une réparation vaine, l’enfant est à leur tour, toujours inachevé, ils deviennent des parents maltraitants. Si la mère est distante, elle ne peut sécuriser son enfant, c’est souvent l’enfant qui prendra soin de sa mère, il deviendra ambivalent, ou pseudo-mûre. L’enfant qui ne peut être un enfant, qui ne peut faire confiance à l’adulte, développera un faux self, il est parentifié.

 

Pourquoi certaines personnes violées, abusées dans l’enfance deviennent elles mêmes violeuses et abusives, et d’autres non ?

Le traumatisme sexuel désorganise l’attachement. La réorganisation d’attachement peut se faire de façon tyrannique par identification à l’agresseur. L’adulte antisocial, violent, paranoïde répètera probablement les violences sexuelles.

Mais il faut évaluer également dans quelles conditions les abus ont eu lieu. Si c’est sans violence, sans douleur et par la séduction, l’attachement sera ambivalent, la réorganisation se fera autour de processus de séduction, l’adulte sera plutôt borderline et entrera dans un processus de victimisation. C’est souvent le cas des prostituées violées par leur père, qui revivent le traumatisme et cherche à contrôler le désir de l’homme avec l’idée d’exploiter financièrement le désir auquel elles ont été soumises.

 

La blessure de l’estime de soi est énorme et la personne continue à se faire abuser dans toutes les situations de la vie.

 

Comment sortir de l’emprise ? Trois « techniques de survie » : Fly (fuir), Fight (se battre) combat la culpabilité, Frozen (se bloquer, se congeler) crée de la dissociation et développe un sentiment de complicité. Une fois que les responsabilités, culpabilités sont situées, que la honte est assumée, comment sortir du rôle de victime ?

 

La confrontation avec l’abuseur peut redonne une sécurité intérieure.

 

 

Xavier POMMEREAU. De l’enfant blessé à l’ado en vrille

Il reçoit dans son service des enfants suicidogènes qui ne font pas le lien entre leur état et les violences sexuelles qu’ils vivent ; leurs révélations ont lieu au bout de trois à quatre jours d’hospitalisation.

 

Avant le suicide, ces enfants qui veulent se couper des idées obsédantes pensent à se faire du mal (scarifications, fugues). Les blessures cutanées qu’ils infligent à leur corps « dégoûtant » sont faites pour expurger la souffrance, la peau est un écran de représentations, d’impressions et de révélations du sub-conscient.

 

Les violences sexuelles sont assimilées à des tortures. On observe que les violences sur soi arrivent de plus en plus tôt, dès 9 ans. Lorsque les blessures se font sur l’avant-bras gauche ou droit, on ne diagnostique pas d’attaque majeure sur la personnalité. En revanche les blessures sur le ventre, les cuisses, par le feu, les coupures, révèlent des atteintes de personnalité beaucoup plus graves.

 

L’anorexie et la boulimie font partie des atteintes du corps. 20% des jeunes filles ont subi des abus sexuels dans leur enfance, elles sont peur de grossir, de grandir, elles détestent leur corps, et opère un repli narcissique sur une petite enfance « formidable ».

 

Nous sommes dans une société incestuelle qui banalise les agressions sexuelles sur enfants ; quand grâce au numérique, on peut entrer dans une intimité sans frapper, quand on peut passer d’un monde dans un autre, cela révèle, engendre une perversité des regards, une « monstration » .

« Extimité dévoilée », selon Serge Tisseron. Preuve de ce qui se verrait plutôt de ce qui se dirait ?

 

 

 

Pascale  Jamouille ‘(anthropologue)  Silences dans les migrations.

Les marginaux précaires. Métissage socioculturel. Descendants de plusieurs mondes à loyautés différentes. Instabilité, déséquilibre dans les « cités de l’immigration ».

–          Rupture avec la langue et la culture

–          assimilation à la culture nouvelle

–          mis au ban à la périphérie des villes

Comment aller bien dans le monde qu’il port en eux avec tous les non dite sociaux en France, en Belgique ?

ce qui peut conduire à la radicalisation. complexité du métissage socioculturel. ?

 

 

 

 

Claude SERON : du dépistage à la clôture de l’intervention psycho-sociale éducative : apprendre à lire entre les lignes.

 

Claude Seron est le  fondateur de l’association « Parole d’enfants » à Liège  en Belgique, il se demande comment comprendre certains parents, notamment des mères d’enfants victimes d’inceste.

 

60% des enfants victimes de violences ont été victimes d’inceste

Ces enfants vivent un déficit de disponibilité émotionnelle

 

Les drogues sont des anti-dépresseurs qui atténuent la souffrance pour ces enfants

 

L’enfant est sous emprise de l’agresseur, dans le noir, dans le silence absolu, comment mentaliser ? Comment mettre en mots ? Moi fille, fils de pédophile ?

Comment ma mère va t elle réagir ? Suis je coopérant ? Il y a abolition des frontières inter-générationnelles.

 

L’enfant a une sexualité compulsive.

L’enfant devient indifférent à lui même : détachement émotionnel, amnésie, clivage

 

Comment comprendre notre propre cécité ? L’enfant violé est parentifié, il distrait en faisant le clown, en faisant des blagues, en tombant malade. Il est le chevalier blanc ou le mouton noir. L’enfant cherche à attirer l’attention de manière régressive ou progressive, mais quelque soit ces actions, il ne reçoit aucune reconnaissance, aucune insouciance.

 

Claude Seron fait faire à ces enfants une ligne de vie à l’aide de petits symboles simples, qui permettent à l’enfant de re dramatiser quelque chose, de son vécu et du vécu de ses parents, qui n’a pas été dit.

 

A lire : Claude Seron. S’engager aux côtés des familles. Comment notre histoire ersonnelle influence notre vie professionnelle. Editions Erès. Collection relations.Novembre 2016

 

15 novembre 2016. Intervenants : PAT OGDEN, CATHY CAULIER, JEAN – PAUL MUGNIER, VINCENT DE GAULEJAC, GATAN BRAULT, BERNARD DE VOS

 

 

Pat Ogden : saisir la sagesse du corps. La psychothérapie sensori-motrice pour guérir l’enfance en souffrance. Intervention en anglais)

Le trauma peut se lire dans le corps, il s’agit de retrouver la grâce initiale du corps du bébé quand la parole n’existe pas. Ex : stimulation par le tambour. Observer les réactions du corps.

 

 

 

Cathy Caulier. Les enfants n’ont pas le temps d’attendre… grandir avec un parent en souffrance psychique. Approche en psychologie systémique.

 

Une rencontre est toujours fragile, jamais acquise, exigeante, nécessitant l’engagement de savoir se laisser surprendre. Rendez-vous  garant d’humanité : Souffranceà créativité.

L’enfant est le premier témoin de la souffrance du parent. Structure du lien dans la famille : danger pour la fratrie ? Difficulté d’entrer en dialogue avec l’enfant.

Une salle d’attente, un père bipolaire et sa petite fille, il faut soigner le lien parent-enfant. enfermement-isolement-/ rencontre à l’hôpital famille-professionnels.

Indifférence : peur de l’autre. Avec le tabou de la santé mentale.

métaphore, les dessin est un support à la narration : maman a les jambes coupées. Une maman sans oreilles !

Maladie de la peur : enfant- victime – patient- enfant parentifié. dans maladie mentale, le parent est effrayant   Peur des intervenants intrusifs qui stigmatisent, minimisent.

Prendre soin n’est pas synonyme de prendre en charge, mais soutenir la créativité.

biblio : Irvin Ialom le jardin d’épicure

 

 

Jean-Paul Mugnier. Ces enfants qui ne tiennent pas en place(ment)

Les échecs : après des placements dans des familles d’accueil ou dans des centres spécialisés ; retour à 18 ans du jeune dans sa famille maltraitante ! cf. histoire de Cassandra

biblio : ces familles qui ne demandent rien.

 

 

 

Vincent de Gauléjac : la honte face à l honte. Laboratoire de changement social.

réédition en 2016 de « La névrose de classe » paru en 1987.genèse sociale des conflits psychiques.

 

Etude du cas clinique de l’écrivaine « Annie Ernaux». Changement de classe sociale en entrant dans l’enseignement secondaire dans une école privé catholique. Elle doit apprendre à « être bien élevée »… obtenir un diplôme, découvrir ce qui est bien, ce qui est mal, selon  le statut social. Aisance, parler en public, incorporer un habitus (Bourdieu). La société traite de parvenus ceux qui n’ont pas intégré leur nouvelle clase sociale. La honte naît sous le regard de l’autre ; L’estime de soi, élégance, discrétion, le courage la réussite par le travail, savoir rester à sa place.

 

Mépris de ceux qui n’ont pas le bon goût. Se désidentifier de ses parents. Si je réussis, je deviens étrangère. Moqueries de la part des autres enfants, parents invalidés minables, coupables de ne pas protéger les enfants du mépris des autres

 

Honte politique. Comment s’en sortir ? La névrose de classe résulte d’un conflit existentiel. L’aiguillon pour réussir ; le travail.

 

honte sexuelle, honte sociale : on ne guérit pas de la honte, on vit avec. Secret du non-dit. Mademoiselle avait la bonne réponse : le complexe de supériorité a pour origine une honte refoulée ; dédoublement, clivage, replis sur soi, alcoolisme de honte. Roman familial, lecture fantasmatique de la famille selon Freud.

 

Roman familial et trajectoire sociale. « J’écris au couteau » dit Anne Ernaux

Travail pour soi, pour les autres, pour la société qui dénonce. Coluche, Charlie Chaplin, ce sont des pauvres types qui font rire ! Tout humain est un semblable. Winner et looser.

 

Conclusion : importance  de la sociologie clinique : front entre psychologie et la sociologie.

Clinique de la complexité : groupe d’implication et de recherche. à introduire le social en thérapie.

 

 

Gaëtan Brault. Les  jeunes incasables font-ils du cinéma ?

3 possibles : travail en équipes thérapies non verbales =/= approche thérapie individuelle

capacité à transformer et faire jouer les institutions

ex :  David est allé dans  7 familles d ‘accueil.

Film : le Petit poucet Michel Boisrond 1972.visible sur you tube

 

 

Bernard De Vos, islamologue. Bandes d’inutiles

 

Enfants délaissés dont on a banni l’existence dès la naissance. Jeunes à l’image de la société : il y a plus de violence en 2010 qu’en 1960.

Les  formes familiales changent et se diversifient ;

depuis l’origine, ovule ? spz ? PMA ? pb de filiation ? « coucou je suis là »

Tisseron « mode d ‘exercice de l’autorité ? autorité consensuelle ? « sors de ta chambre ! pour un ado toujours enfermé =/= va dans ta chambre comme punition ?

En France, l’enseignement spécialisé n’est pas valorisé, l’enfant ne peut avoir une éducation valorisée. Maltraitance du système scolaire qui reflète le système social.

La pauvreté est le fossoyeur des droits de l’enfants.

  1. comportement lié à des pb sécuritaire issus de la population maghrébine peut être assimilé à l’apartheid. Conception politique de jeunes potentiellement inutiles pour la société.

Le concept de « soutien à la parentalité est un concept colonialiste, il devrait être un accompagnement social.

la radicalisation est un  marqueur du malaise de la société. dont l’origine : salafiste : intégrisme, violence et lien entre Islam et Europe. Les  musulmans demandent d’appliquer le port du voile, le ramadan.

Jeunes défavorisés, stigmatisés, rejetés–>, on est responsable de l’incapacité à vivre ensemble.

Gille Keppel, Olivier Roy refuse les effets de l’exclusion = shoah

 

Solution : Islam modéré, ce n’est pas le propre de l’adolescence, le religieux doit avoir sa place.