Le parcours judiciciaire d’une adhérente

 

Le 3 octobre 2018, face à un évènement compliqué au travail qui me touche émotionnellement de manière intense, je me sens prête à porter plainte pour violences sexuelles subies dans l’enfance. Je sollicite des personnes du groupe de paroles pour m’accompagner. Deux personnes m’accompagneront le 5 octobre 2018.

J’ai cherché sur internet la brigade des mineurs, il était indiqué la préfecture de police de Paris 1er.

Nous nous rendons à la préfecture de police, l’hôtesse d’accueil m’apprend que la brigade des mineurs a déménagé en octobre 2017 à Paris 17è et que la préfecture ne peut pas recevoir ma plainte car ce n’est pas leur spécialité.

Heureusement que je suis accompagnée, je tiens bon.

La brigade des mineurs se nomme désormais la brigade de la protection de la famille.

Ce n’est pas pour autant plus clair sur internet. J’obtiens les coordonnées par la préfecture de police.

Brigade de la protection des familles : 36 rue du bastion 75017 Paris.

Téléphone : 01 87 27 81 05

Je les appelle, ils sont trop occupés pour me recevoir.

A ce stade, si j’avais été seule, j’aurais abandonné ce jour-là. Mes compagnons de voyage m’encouragent, me soutiennent, m’assurent de leur présence, s’informent pour moi.

Ultérieurement une personne m’avait informé que tout policier doit prendre la plainte dans n’importe quel commissariat… mais je ne ressens pas l’envie de confier ma plainte à des personnes qui ne l’accueilleront pas dans la bonne volonté.

Voici la loi en lien :

Code de procédure pénale

Article 15-3

La police judiciaire est tenue de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale et de les transmettre, le cas échéant, au service ou à l’unité de police judiciaire territorialement compétent.

Tout dépôt de plainte fait l’objet d’un procès-verbal et donne lieu à la délivrance immédiate d’un récépissé à la victime. Si elle en fait la demande, une copie du procès-verbal lui est immédiatement remise.

Liens relatifs à cet article

Cité par:

Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 – art. 207 (V)


Codifié par:

Loi 57-1426 1957-12-31

Ensuite, la préfecture de Paris 1er m’a dit d’aller déposer ma plainte dans un commissariat du département où ont eu lieu les faits, dans mon cas, le val de marne.

J’appelle le commissariat de Cachan (94) qui ne répond pas.

Quelques mois auparavant, j’avais lu les avis du commissariat du kremlin Bicêtre (94) qui n’étaient pas encourageants. J’appelle quand même et là j’apprends qu’ils peuvent me recevoir, qu’ils ont un service de brigade des mineurs.

Nous arrivons, le commissariat est assez exigu, l’accueil cohabite avec la salle d’attente. L’accueillant m’informe que je ne relève pas du service de brigade des mineurs puisque je suis adulte. Il me met quand même sur liste d’attente en « plainte sensible ». Son collègue policier arrive et dit le contraire, à savoir que ma plainte relève du service de brigade des mineurs. L’accueillant contacte le service de brigade des mineurs qui est, lui aussi, trop occupé pour me recevoir. Je lis le désarroi sur le visage de ces professionnels lorsqu’ils apprennent le motif de ma venue. Mes compagnons de voyage sont toujours à mes côtés, nous sortons de temps en temps à tour de rôle pour prendre l’air, la tension est à son maximum. C’est irréaliste.

Je suis enfin reçue par une policière. Je choisis d’y aller seule. Je suis dans un bureau avec elle, sa collègue est présente mais s’occupe d’autre chose. Elle s’absente un long moment.

J’ai un document écrit, c’est la lettre au procureur que je n’avais pas envoyé. Elle me propose de la lire elle-même. Je lui dis que je vais essayer de la lire moi-même. Je lis 3 lignes, ma gorge se noue. Je lui tends le document. Au fur et à mesure de sa lecture, je décèle sur son visage et son corps un abattement.

Elle me pose des questions pour précisions qui sont plutôt inconfortables mais nécessaires. Elle me demande les coordonnées des différentes personnes à qui j’en ai parlé et qui sont impliquées dans l’affaire. Je ne les ai as toutes mais c’est déjà ça.

A la fin de l’entretien, un agent me propose un rdv auprès d’un psychiatre des unités médico judiciaire que j’accepte après clarification. Il s’agit d’un entretien pour évaluer l’étendue des dégâts psychiques puisque physiquement il n’y a plus rien et non pour sonder si je mens ou pas. Rdv en décembre 2018.

Pensant que l’entretien avec le psychiatre serai juste après l’entretien avec la policière, je libère mes compagnons de voyage.

Un double de ma plainte m’est remis.

Tout cela a duré de 14h à 18h30.

Le rdv avec le psychiatre des UMJ de l’hôpital intercommunal de Créteil :

Il faut savoir qu’il s’agit d’un lieu où victimes et auteurs de faits se croisent. Je n’ai pas croisé des personnes que je connaissais mais c’était assez désagréable d’entendre un homme alcoolisé, crier et dire des phrases sans queue ni tête, entouré de policiers.

La psychiatre me reçoit en entretien, elle est bienveillante, me rassure, je lui raconte ce qu’il m’est arrivé, je m’aide du document écrit que où j’ai répertorié toutes les conséquences que ces violences ont eu sur moi. Elle est admirative de mon parcours et de ce que je mets en place pour aller mieux.

Je n’obtiens pas de double de son écrit puisque c’est une réquisition de la police et cela est confidentiel.

Suite à cet entretien, des questions me viennent, je m’adresse au bureau d’aide aux victimes de Paris 17è qui sont très bien, à l’écoute, bienveillants et compétents. Ils m’informent que l’enquête post plainte prend énormément de temps, qu’on peut prendre des nouvelles auprès du commissariat au bout de 4 mois.

A une époque, j’ai contacté le CMP où j’ai été reçue enfant. J’ai pu consulter mon dossier médical. Je regrette de ne pas avoir pris de photos des documents ou d’avoir fait des photocopies, je n’ai pas osé. Cela aurait pu permettre de constituer des preuves de mon état psychique pour ma défense si un procès a lieu. Malheureusement, je ne peux plus consulter ce dossier car légalement ce n’est possible que jusqu’à l’âge de 28 ans, soit 10 ans après la majorité.

En février 2019, je me rends au bureau d’aide aux victimes de Paris, ils appellent le commissariat pour moi. Je préfère car je suis malentendante. L’enquête est en cours, des actes ont été posés. Une confrontation aura certainement lieu. Il est recommandé de la préparer avec un avocat et qu’il soit présent lors de la confrontation. Des consultations gratuites d’avocats ont lieu au palais de justice de Paris, le matin en semaine. Je m’y rendrai dès que possible. En parallèle, je vais contacter des avocats dont j’ai déjà recueilli les coordonnées.